Un jeune artiste doué
Voici un jeune homme qui devrait un jour
devenir un grand peintre. Il habite à Lagny, village pas très éloigné de Paris,
puisque tout au plus une heure de train de Paris vous permettra d’admirer les
beaux paysages boisés. D’autres jeunes artistes qui, comme lui, ont été
imprégnés d’un amour profond de la Nature ont acquis une notoriété. Pourquoi
pas M. Henri Cortès ? Il n’a certes pas mal débuté, car au Salon de cette année
on peut voir la première peinture qu’il a fait recevoir à une exposition
vraiment importante, et l’on doit se souvenir qu’il n’a pas encore dix sept
ans.
Un nombre de peintres célèbres ont été
admis dans d’importantes expositions avant l’âge de dix sept ans. Turner avait
seulement quinze ans quand, en 1790, il présentait à l’Académie une aquarelle
du Palais Lambeth. Il n’y a pas de grande différence entre quinze et dix sept
ans – ce qui vaut la peine d’être noté est le fait qu’une œuvre digne d’éloges
ait été exécutée avant d’atteindre l’âge adulte. Et je pense que quiconque a vu
“Le Labour” de M. Henri Cortès sera de l’avis des critiques français qui
proclament que c’est un tableau dont beaucoup d’artistes plus âgés et plus
expérimentés seraient bien fiers. Dans cette peinture, d’un laboureur et ses
chevaux, il y a quelque chose qui en rappelle une de l’Ecole de Barbizon. Le
même horizon plat, rectiligne, que celui peint par Millet dans la plaine de
Chailly, et la partie supérieure du corps de l’homme nous rappelle en
particulier l’œuvre du peintre de l’“Angélus”. Ce n’est pas un “tableau
d’atelier” mais une œuvre d’un disciple de l’école du plein air pour qui la
Nature est “un livre toujours ouvert devant mes yeux et où il y a toujours à
approfondir ses mystères”.
Le peintre du “Labour” est né le 6 août
1882. Il est allé à l’école à l’âge de cinq ans et l’a quitté à treize ans,
après avoir obtenu le certificat d’études élémentaires. Pendant sa scolarité,
ses jeux n’étaient pas les toupies et les billes mais des pinceaux et une
palette. Ses goûts artistiques étaient déjà évidents et ses parents
l’encouragèrent le mieux possible. Le garçon entra dans l’atelier de son père,
un artiste lui aussi, et de ce jour il n’eut plus d’autre maître que lui, à
moins que ce maître soit le livre des mystères dont le jeune artiste parle avec
tant de respect dans une des lettres qu’il m’a adressée.
J’ai
dit qu’Henri Cortès devrait un jour devenir un grand peintre. Beaucoup
d’artistes devenus célèbres n’avaient pas un talent aussi prometteur que le
sien à dix sept ans, et il y a en lui une modestie qui indique qu’il préférera
autant ne pas se satisfaire des succès du début que de perséverser dans ses
efforts avec l’âge. Comme le doyen des peintres paysagistes français, Henri
Harpignies, puisse-t-il toujours s’efforcer de peindre de mieux en mieux au fil
du temps .
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